Parole d’enseignant

 

Notre série d’interviews destinées à connaître un peu mieux les enseignants de la SEP se poursuit avec Jean-Pierre Tuloup.

C’est en partageant de nombreuses illustrations qu’il nous raconte ici son parcours, ses références équestres et ses valeurs.

 
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Le Cheval à Bascule : peux-tu nous parler de ton parcours équestre ?
Jean-Pierre Tuloup : En 1964 j'ai découvert l'équitation dans un petit club, à Saint Coulomb (35) dirigé par Madame Ganne. La passion s'est imposée ensuite grâce à mon ami de toujours Alain Lereec qui dirigeait un club à Saint-Servan près de Saint-Malo. Il m'a emmené à Coetquidan pour voir une 5ème série de concours complet et y découvrir Jean-Jacques Guyon, en noir, montant un magnifique cheval sur le cross.
Le hasard m'a fait croiser la route du Commandant Jean de la Pontais au château de la Bourbansais à Pleugueneuc. Sur ses conseils ma voie était toute tracée.

Octobre 1967, entrée au CIABC à Carpiagne où je fais mes classes puis l'école des sous-officiers de Saint Maixent 27ème promotion (promotion Adc Vandenberg) et je pars de l'école le 31 juillet 1968 pour le 4ème régiment de Cuirassier à Bitche que je quitte en 1969.

Profil d'un maître de manège, élève passé par Saumur 1969-1971 puis par le 8ème Régiment de Hussards 1972-1973 puis à nouveau le Cadre Noir à Saumur 1973-1976 puis par l’École d'Application de l'Artillerie à Chalon S/Marne et Draguignan 1976-1986 avec la tenue noire.

 

1969 -1971
Ces deux premières années furent exceptionnelles grâce aux rencontres avec mes enseignants, le chef d'escadron L'Air, le lieutenant Christian Carde et l'adjudant-chef Bachelier qui m'ont profondément marqué par leurs qualités d'homme de cheval, d'enseignant et de meneur d'hommes avec les élèves : Donard, Digois, Lucas, Vauchel, Guillas, Arriuberger, Haran, Zalkind.

Malheureusement en Avril 1970 un accident m'a pénalisé jusqu'à la rentrée d'octobre. De fait j'ai eu la chance de recommencer un deuxième stage avec : Vancrenest, L'Huissier, Bovy, Gauthier, Pery, Castelletta, Gely, Revaud.

 
 
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A l'issue de cette formation j'ai été affecté comme sous maître de manège à la Société Hippique Nationale au 8ème Régiment de Hussards. Quelle déception de passer du « Temple du dressage » à cette petite section perdue dans le Sundgau Altkirch Alsace.

Cette expérience m'a permis de développer à la fois mes compétences et le nombre de cavaliers (de 40 à 150) ainsi que l'opportunité de former de futurs moniteurs avec en toile de fond l'espoir de pouvoir retourner au Cadre Noir. L'aubaine fut pour moi d'avoir comme chef de corps, la deuxième année, le Lieutenant-Colonel Alain Bouchet. Un accident en janvier a ralenti ma progression (jambe cassée à cheval sur sol glacé), de retour en mai je demande à être inscrit au CT2 à Saumur, examen militaire pour être maître de manège (niveau instructorat) que j'obtiens.

 
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Grâce à mes qualités équestres et malgré un examen un peu chaotique sur le cross (chute sur la banquette des jeunes chevaux) et après avoir réalisé un parcours d'obstacles avec un cheval très délicat, j'ai eu la chance d'être rappelé en octobre 1973 à Saumur à la demande du Commandant Durand et j'endosse la Tunique Noire.

1973-1976 Saumur : affecté à l'équipe de Jean d'Orgeix, à l'équipe des Sauteurs et à la formation.

1976 - Mutation en février à l’École d'Application d'Artillerie à Chalon S/Marne où je suis en charge des sous-lieutenants, des cadres de l'école et des familles avec le Commandant Mozat. L’École déménage en juillet 1977 à Draguignan où je continue la même activité et je profite de mon temps libre pour écrire « les Maîtres et Sous-Maîtres du Cadre Noir ».

Je m'oriente vers le perfectionnement de la cavalerie et des cavaliers pour la participation des sous-lieutenants de l’École d'application d'Artillerie de Draguignan et des poussins de l’École de Salon de Provence au tournoi des Grandes Écoles. Durant 9 ans les classements furent très honorables (entre la 1 e et la 5è place). A cette époque je sors en CCE, en CSO et en dressage.

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Je profite du retour de Monsieur René Georges Duclos (Sous -Maître de 1936 à 1949, personnage doué et talentueux) Maître de Manège en 1938 qui rentrait du Mexique où il a été entraîneur pour travailler et parfaire mes connaissances. Cela m'a permis de participer au Championnat de France Dressage et à quelques concours internationaux.

Grâce aux officiers étrangers (colonel Stigelmayer) de l'Ecole j'ai pu aller en stage à Warendorf avec Mr Shultheiss entraîneur de renommée internationale et avec le major britannique Paris (Officier de Liaison britannique à l'Ecole d'application de l'Artillerie) j'ai pu aller durant 15 jours au Royal Horse Artillery où j'ai participé au défilé du 13 novembre.

1985 - Je quitte l'Ecole et la tunique noire avec regret pour retrouver le 8 e Régiment de Hussards. Je me complets dans mon travail, monte un spectacle (entre septembre et décembre) incluant un sauteur à pied (courbette, croupade, cabriole) dont j'ai terminé le dressage qui avait été commencé par l'adjudant Bruno Goupil.

1986 - Je quitte le Régiment avec une lettre de compliments du Colonel commandant le régiment pour devenir Conseiller Technique Régional en Bretagne à Rennes (rapprochement familial) à la demande du Ministère de la Jeunesse & Sports. J'y reste 2 ans avec comme directives la formation des formateurs et des moniteurs, l'organisation des stages de compétition (dressage), l'organisation des concours, les passages d'examen et le développement sportif. Ce statut ne me semblant pas très évolutif pour ma carrière je me mets en recherche. Sur mon temps libre je continue à monter mon cheval et je rencontre N. Oliveira chez qui je vais en stage.

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1988 - Au hasard des rencontres, je croise le président de la Société d'Equitation de Paris à Dinard qui me propose un poste. J'intègre la SEP (1500 cavaliers - 5 manèges - 9 enseignants - 21 salariés) avec pour mission de former les chevaux et les cavaliers de 7 à 22 heures dans le manège, j'assure aussi la formation des moniteurs. Je prends mon temps pour développer le dressage avec pour but l'idée de la perfection et de l'équitation classique apprise à Saumur. La SEP compte beaucoup de succès en dressage avec de nombreux élèves.

Instructeur à la Société d'Equitation de Paris de 1988 à nos jours avec en complément les fonctions de juge International de dressage depuis 1993, d'Expert près la Cour d'Appel de Paris en 1995 et la rédaction de 3 livres et 2 plaquettes sur l'équitation et l'histoire du Cadre Noir.

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Cela me réussit plutôt bien, preuve en est fait que lors des galas du Cadre Noir à Paris mes élèves participent à la détente des sauteurs et des chevaux des écuyers. J'ai créé en 1990 la reprise des « bandes blanches » travail à pied au début puis en selle, cela dure toujours. Le Colonel Carde est venu valider mon travail ainsi que Michel Henriquet et Jean d'orgeix qui en ont vanté les qualités. Nous avons monté un spectacle de Carrousel « les petits écuyers de la S.E.P » représentant les écuyers du Cadre.

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Au fur et à mesure les chevaux progressaient sous ma selle et j'ai toujours pris soin de faire valider mon travail entre autre par Bernard Maurel Juge international 5* surtout avec un cheval extrêmement délicat et fort difficile : Nestor Du Domaine.

J'enseigne toujours à la SEP avec un nombre d'heures réduit.

 
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MES RENCONTRES

  • Gilbert Farah propriétaire d'un cheval, mis au Grand Prix, à l'Etrier venant parfaire son équitation à la SEP, parlant 10 langues, voyageant en permanence. Il m'a invité à travers le monde pour donner des stages et présenter l'équitation française en Chine, aux USA, au Mexique où j'ai créé une école de dressage à Guadalajara. De plus j'ai fait une conférence sur le Cadre Noir à l'école de Cavalerie de Rio au Brésil en 2015.

  • Michel Serrault, comédien qui travaillait à cheval à la SEP avec moi.

  • Son Altesse Royal Louis de Bourbon prenait des cours en 1988.

  • Le Président du Liban Amine Gemayel fut mon élève durant 3 ans.

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AUTRES ACTIVITÉS

1975 : Plaquette et livre Maitres et Sous Maitres de Saumur.
1995 : Expert près la Cour d'Appel de Paris.
1995 : Juge de dressage FEI.
2000 : Livre Histoire des Écuyers du Cadre Noir à Saumur.
2004 : Livre Apprendre A Monter.
2005 : Divers documents équestres.
2018 : Conférences sur les Grands Maîtres à Paris depuis 1930.
2018 : Conférences sur le premier déplacement du Cadre Noir à Paris du 19 au 21 avril 1866 au Palais de l'Industrie.
2019 : Le Cadre Noir et les Jeux Olympiques de 1900 à nos jours.

MÉDAILLES

1973 : Médaille de Bronze Jeunesse & Sports.
2010 : Médaille d'Or Jeunesse & Sports.
2017 : Officier dans l'ordre du Mérite Agricole

CONCLUSION

Passionné par l'équitation depuis mon plus jeune âge et attiré par la vie militaire, ayant pu intégrer le Cadre Noir de Saumur et ainsi bénéficier de l'enseignement de qualité et de tradition qui s'y pratiquait, j'ai pris un très grand plaisir à partager et à transmettre le savoir faire et la bonne parole des « anciens ». Cela m'a permis de m'instruire mettant à profit mes nombreuses rencontres et d'ainsi pouvoir vivre ma passion.

Le Cadre Noir étant extrêmement représentatif de la France à l'étranger ceci m'a encouragé à toujours vouloir donner plus.

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Quels grands cavaliers t’ont marqué?
JPT : Colonel de Saint-André, Patrick Le Rolland, Nuno Oliveira, René-Georges Duclos.

Qui sont tes maîtres à penser?
JPT : René-Georges Duclos, ancien Maître de Manège du Cadre Noir (1936-1949).

Ton meilleur souvenir à cheval?
JPT : Le dressage de Nestor du Domaine au niveau Grand Prix, tellement difficile !

Un souvenir à partager concernant la SEP?
JPT : Les fêtes de club de 1995 à 2000.

Qu’est-ce que tu apprécies le plus à la SEP?
JPT : Son infrastructure, son histoire.

Quelle est la philosophie que tu as envie de mettre en place dans tes cours ?
JPT : Faire des étudiants en équitation.

Trois mots pour définir ton enseignement ?
JPT : Observer, écouter, réfléchir.

Un conseil pour nos cavaliers débutants?
JPT : Prenez votre temps, ne soyez pas des gens pressés !

Et pour les plus confirmés?
JPT : Trouvez le bon prof !

Un centre équestre que tu recommandes hors de l’Ile-de-France?
JPT : Faire des stages à Saumur.

Pour finir un film lié aux chevaux que tu conseillerais ?
JPT : Le Grand Retour (1963).

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